https://www.open.online/2023/12/03/cop28-geopolitica-intervista-dario-fabbri
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La COP28 est avant tout une conférence sur le climat, mais elle représente aussi une étape où se révèlent les alliances et les tensions entre différents acteurs internationaux.A la différence que, du moins en ce qui concerne les politiques climatiques, les acteurs de terrain ne sont pas forcément ceux que l’on attend.Un exemple ?Les relations entre la Chine et la Russie, "qui vont de pair sur de nombreux dossiers mais restent distantes sur le climat", observe-t-il. Dario Fabbri.À l'analyste géopolitique et rédacteur en chef du magazine Domino nous avons demandé quelles pourraient être les implications géopolitiques du sommet de l'ONU actuellement en cours à Dubaï, depuis l'importance qu'il pourrait avoir pour les monarchies du Golfe jusqu'à la présence sans précédent du Saint-Siège aux tables de négociation.
Avec la COP28 à Dubaï, le monde arabe confirme une nouvelle fois sa volonté de jouer un rôle de premier plan dans les événements internationaux.S’agit-il simplement d’une tentative de redorer son image ou y a-t-il un intérêt légitime sur la question climatique ?
«Les monarchies du Golfe font partie des grands exportateurs d'hydrocarbures, qui se lavent l'âme en accueillant ce type de conférence.Les COP sont des initiatives sans réelle force motrice.Au mieux, ils constituent un moment où les puissances peuvent se présenter comme déterminées à sauver le monde, mais il n'y a aucune sanction pour ceux qui ne respectent pas les objectifs que ces congrès se sont rapidement fixés.Cela fait des COP un contexte idéal pour les pays exportateurs d’hydrocarbures.Certains, comme l’Arabie Saoudite, veulent imaginer un avenir qui dépasse cette exportation et survivre eux-mêmes.D’autres, comme les Émirats arabes unis et le Qatar, n’utilisent ce sujet que pour se montrer en première ligne au nom de l’humanité. »
La même division en blocs de l’ordre mondial actuel se reproduit-elle dans les négociations sur le climat ?Ou y a-t-il également de la place pour des alliances nouvelles et inattendues ?
«Sur le climat, les divisions au niveau international sont similaires mais pas identiques.Par exemple, la Chine et la Russie travaillent ensemble sur de nombreux dossiers mais ne sont pas très proches sur la question climatique.La Russie déclare qu'elle considère cela comme une priorité, mais que grâce au réchauffement climatique, le blé peut désormais être cultivé en Sibérie.Et le Kremlin, sans clairvoyance, considère qu’il s’agit d’un tournant positif.L’engagement de la Chine sur ce front est certainement plus sérieux, même si, comme toutes les autres puissances, elle n’en fait pas vraiment assez.Les États-Unis, en revanche, hésitent :ils s'activent sur les côtes de leur pays, mais au centre la question climatique n'est pas considérée comme une priorité.Il faut rappeler que la Chine a aussi beaucoup à gagner de la transition écologique, puisqu’elle est de loin le premier producteur de panneaux photovoltaïques.Grâce au changement climatique, Pékin espère devenir le pays dont l’Occident est obligé de dépendre pour son énergie. »
Les récents développements de la guerre au Moyen-Orient ont déjà ruiné un accord sur les énergies renouvelables entre Israël et la Jordanie.Quels effets la guerre entre Israël et le Hamas pourrait-elle avoir sur la COP28 de manière plus générale ?
«Il est difficile de dire quels effets cette guerre aura, mais j'imagine qu'ils ne seront pas décisifs.Ce Flic, comme tous les autres, existe malheureusement dans une dimension narrative bien moins factuelle qu'une guerre.Je ne pense donc pas que cela puisse avoir une grande influence, à part rendre surréaliste le fait que cette COP se déroule si près du conflit. »
Lors de leur dernière réunion, Xi Jinping et Joe Biden sont parvenus à un accord pour intensifier la coopération en matière de politique climatique.Pourtant, aucun d’eux ne sera présent à la Cop28.Comment interpréter leur absence ?
« Leur absence doit être lue comme un simple fait :ils ont des choses plus importantes à faire.Malheureusement, les grandes puissances n’ont jamais vraiment pris les questions climatiques au sérieux, au-delà des discours qu’elles propagent.Certains de leurs responsables seront présents aux négociations de la Cop28, donc en termes de faits, peu de choses changeront.Ce qui change, le cas échéant, c'est le récit créé par les deux pays. »
L’Union européenne est l’acteur international qui milite le plus en faveur d’objectifs ambitieux et d’une transformation radicale de l’économie.Dans quelle mesure cette position affecte-t-elle l’équilibre entre les États-Unis et la Chine ?
« L'Union européenne n'est pas un acteur international, elle est composée de nations et certaines d'entre elles sont des acteurs internationaux.L’UE est simplement un forum où les nations se rencontrent et sa position n’affecte que de manière relative l’équilibre entre les États-Unis et la Chine.L’Europe, même dans le domaine climatique, est un territoire convoité par les grandes puissances.Un terrain de conflit et aussi de profit. »
Pour la première fois, le Saint-Siège participera également aux négociations d'une COP, même si le pape François a été contraint de rester au Vatican pour des raisons de santé.Quelle est la valeur politique de cette démarche ?
«Le pape François reste sans aucun doute parmi les acteurs les plus engagés sur la question climatique.Son absence pour le moment pour raisons de santé n’affecte pas l’engagement dont il a fait preuve ces dernières années.Nous pouvons dire que le Saint-Siège est la seule des grandes puissances véritablement engagée au cœur, et pas seulement par le récit, dans la question climatique. »
Crédits photos :EPA/Martin Divisek | Un des pavillons de la COP28 à Dubaï, Émirats arabes unis (30 novembre 2023)